Je m’apprêtais à rédiger l’éditorial de ce dernier numéro de 2015 de La Lettre des Acteurs CHANTIER école quand m’est arrivée l’information des attaques parisiennes et l’horreur des faits qui s’en est rapidement suivie. Vous me permettrez, pour cette fois, de me dégager de notre quotidien pour partager, avec vous, ma colère et ma révolte.
Ma colère face à un fanatisme aveugle qui ose s’attaquer à des femmes et des hommes dont le seul tort aura été de vouloir partager, ensemble, des moments de joie et de complicité, de « vivre ensemble », sans savoir que d’aucuns leur avaient déclaré la guerre.
Révolté devant cette impuissance et cette peur qui peu à peu nous gagnent, comme un mauvais virus dont on ne saurait se soigner.
Car ce qui est le plus frappant dans les attaques qui se sont déroulées à Paris ce soir‐là, c’est de voir à quel point nous sommes vulnérables.
Un peu plus de 10 mois après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes (17 morts), c’est une terreur aveugle, brutale, sans pitié, qui s’est déversée dans les rues, faisant plus de 130 morts et près de 350 blessés, abattus par balle ou victimes de bombes humaines. Du jamais vu en France où, pour la première fois, la réalité dépasse la fiction.
Dans ce monde que nous nous évertuons à rendre ensemble plus humain et plus solidaire, nous sommes vulnérables, terriblement vulnérables, car notre mode de vie ne s’est pas accommodé d’un
risque de cette nature. Nous l’avions craint après les attaques du 07 janvier, et pourtant, la vie avait repris son cours. La réalité d’un monde sans limites nous a brutalement rattrapés, et la vie va sans nul doute changer pour nous tous dans les semaines et les mois à venir. Car impossible désormais de faire comme si les scènes qui se sont passées ce vendredi soir ne devaient rien changer de nos comportements.
Si nous ne devons pas céder au terrorisme et rester unis, ce 13 novembre ébranle toute certitude, pour la France, mais aussi pour toute l’Europe où les frontières se ferment les unes après les autres.
En ramenant cela à la perspective de notre réseau, je me pose la question : qu’en sera‐t‐il des valeurs que nous portons ? La démocratie, la solidarité, l’ouverture à l’autre restent fragiles, très fragiles, et pourtant plus que jamais indispensables aux actions de transformation sociale et de coopération que nous entendons déployer sur les territoires.
Là sera demain notre véritable enjeu. Car après l’horreur viendra le temps de l’analyse, de la réflexion et de l’action, pour apporter des réponses à toutes ces questions.
Et nous devrons répondre tous présents, forts de nos convictions et de nos débats, pour contribuer comme nous le pourrons à l’affirmation des libertés individuelles, au droit de chacun à vivre décemment de son travail et, surtout, au refus de toute forme d’exclusion.
L’intolérance et l’ignorance ne doivent jamais gagner.
Emmanuel STEPHANT